La Novlangue

Les mots qui trompent et refaçonnent notre réalité, notre perception du réel

« Nous ne voulons pas convaincre les gens de nos idées, nous voulons réduire le vocabulaire, de telle façon qu'ils ne puissent exprimer que nos idées » Joseph Goebbels

Force est de constater que la fameuse Novlangue, si chère à Orwell à littéralement envahie tous les domaines de la vie, toutes les sphères de la société et de la communication. Cette redoutable langue de bois, que manie à merveille l'oligarchie, les puissants de ce monde et qui consiste à inverser, à détourner le sens profond des mots à des fins de manipulation. Ceux-ci, ainsi piégés deviennent alors trompeurs et peuvent orienter et encadrer notre façon de penser et d'envisager les choses.

Ainsi, la guerre devient la paix, la destruction de l’individu, une liberté de mœurs et un progrès, la santé des hommes devient un marché économique, l’esclavage social est présenté comme une liberté, l’ignorance devient une qualité supérieure, etc. 

Voici quelques exemples concrets de cette fameuse Novlangue très parlants et il en existe sans doute beaucoup d'autres !

La Novlangue dans le champ militaire

Où, l'on évoque des "frappes chirurgicales" pour donner un aspect clinique et propre à de sanglants bombardements ; on parle aussi de "guerres humanitaires", "d'ingérences humanitaires" en bafouant ainsi allégrement le droit international à l'autodétermination des peuples et au respect de la souveraineté, alors qu'elles sont systématiquement provoquées pour d'obscurs intérêts géopolitiques, des visées de prédation économique et de captation des ressources ; on use aussi de l'expression de "défense préventive" pour parler d'agressions armées, de "lutte contre la menace terroriste", ou bien encore, de "dommages collatéraux" pour évoquer avec euphémisme, des crimes de guerre et de véritables bains de sang… Lorsque l'on rase des villages ennemis entiers, on parle de "pacification".

La Novlangue dans les discours politiques

Orwell déclarait dans son texte "La politique et la langue anglaise" à propos des discours politiques : « Le langage politique a pour fonction de rendre le mensonge crédible, le meurtre respectable et de donner à ce qui n'est que du vent une apparence de consistance. »

Les politiciens excellent littéralement dans l'usage de la langue de bois, d'éléments de langage, de mots valise, d'euphémismes, de sophismes…

Il est par exemple question, de société de "l'émancipation sociale" ou "d'émancipation par le travail", alors même que l'étymologie du mot travail vient d'un instrument de torture, le Trepalium, donc avant tout, d'une forme de souffrance et de supplice !

Les politiques parlent aussi de "Transformations" au lieu de réformes, "d'efforts" à fournir, pour désigner une politique d'austérité. Ils parlent aussi de "moraliser le capitalisme", alors que ce dernier ne s'encombre jamais de morale et que par essence, il cherche juste à maximiser les profits...

Les politiques ont recours à de fréquents euphémismes pour dilluer leurs responsabilités. Ainsi par exemple, pour parler des personnes âgées dépendantes ou grabataires, on préfèrera employer des termes tels que "Personnes à mobilité réduite" pour les désigner.



La langue du pouvoir prétend que "le peuple serait souverain", alors qu'il est en réalité opprimé... Elle prétend assurer le "service du bien commun", mais n'est en réalité qu'au service d'intérêts particuliers, au profit exclusif d'une petite caste oligarchique  de profiteurs.  On parle aussi à tout bout de champ "d'Égalité" et de "non discrimination", donnant le sentiment parfaitement illusoire que nous serions tous égaux, alors même que nous vivons dans une société profondément inégalitaire, tant d'un point de vue économique que social. Si on peut constater certaines égalités, elles sont toujours d'ordre sociétales, à la marge, mais jamais sociales !


Les politiques déclarent qu'il faut "soutenir le bien commun" pour justifier une politique de spoliation par l’impôt... On parle d'économie libérale, on parle "de redressement" ou "d'économies budgétaires" plutôt que de politique d'austérité, on parle de "politique de l'emploi" plutôt que de lutte contre le chômage, on parle de "demandeurs d'emploi" plutôt que de chômeurs. On parle d'une "prise d'otages" des usagers, pour caractériser une grève dans les transports publics, on parle aussi d'un "espace de propreté" pour une décharge publique.


On pourra aussi remarquer que de nombreux mots qui ont une forte potentialité émotionnelle et qui peuvent ainsi susciter un sentiment d'empathie ou d'indignation dans les consciences ont étés vidés de leur force et de leur substance, comme stérilisés avec des acronymes, ainsi un "mendiant" ou un "clochard" devient par exemple, un sans domicile fixe, un SDF.  On coupe ainsi les mots des terribles réalités qu'ils recouvrent.

De même depuis l'apparition du phénomène massif de l'immigration, "les immigrés" ou "les clandestins" ont étés remplacés systématiquement par le mot de "migrant", ce qui laisse à penser que ces personnes n'ont pas vocation à s'installer durablement, mais sont simplement en transit permanent, comme un oiseau migrateur, toujours en mouvement.

Dans le champ médiatique, on parle de "Fake News" pour désigner toute vérité ou information alternative n'allant pas dans le sens des intérêts bien compris du pouvoir et de l'idéologie du parti en place.

Par ailleurs, dans le champ répressif, pour couvrir les violences policières, ou même les nier en bloc, on parle "d'État de Droit" qui rendrait tout usage d'une force disproportionnée impensable. On parle aussi de "factieux" pour désigner les opposants au régime, rendant ainsi l'usage de la violence légitime et nécessaire. De plus, on justifie l'usage de la force et de la répression contre des manifestants, en parlant de "Manifestations non déclarées" alors même que le droit de manifester est un droit parfaitement constitutionnel.

À l'international, on parle de "souveraineté européenne", alors que cette dernière, consiste justement en la perte concrète et définitive de toute souveraineté réelle. Elle se retrouve diluée dans l'Union européenne, une entité au fonctionnement technocratique et absolument non-démocratique… On parle de "communauté internationale" pour parler d'un regroupement d'une poignée de quelques pays, qui ne représentent guère plus d'un sixième de la population mondiale et presque exclusivement des pays membres de l'OTAN. Ils se résument à représenter et à assurer les intérêts Atlantistes américains. Cette communauté internationale exclue de ses rang, la Russie, la Chine, l'Inde, la presque totalité de l'Amérique du Sud, de l'Afrique et de l'Asie !


On assiste aussi à une simplification de la pensée, avec le recours fréquent à des slogans qui certes sont efficaces, mais aussi profondément réducteurs…. Ils se concentrent sur la forme, mais ne développent jamais le fond des choses, ils restent purement superficiels et livrent un prêt-à-penser. On pensera notamment aux fameux : "Ensemble, tout devient possible !" de Sarkozy, "le changement, c'est maintenant !" de Hollande ou le "Yes We Can" de Obama, ou bien "les Jours Euros" dans la communication de l'Union européenne, juste avant le passage à la monnaie unique (alors qu'elle nous à ruinée).

Dans cet exercice de Novlangue, le gouvernement d'Emmanuel Macron est particulièrement performant... Ainsi, il nous annonce toute honte bue que limiter les lits disponibles dans les hôpitaux, revient à améliorer la qualité des soins ; que le démantèlement et la casse du code du travail étend les garanties des salariés ; que l'augmentation des frais de scolarité pour les étudiants étrangers est réalisée dans le souci d'assurer plus d'équité financière ; que la suppression de l'impôt sur les grandes fortunes est le moyen détourné pour atteindre une plus grande justice sociale, par le biais d'une obscure et fumeuse théorie dite du "ruissellement" (qui consisterait dans la contribution des plus riches à l'économie générale, à la redistribution de leur richesse par leurs investissements dans l'économie) ! Lors de la crise sanitaire du Coronavirus, nous avons aussi eu le droit au mot à une belle expression de Novlangue avec l'usage du gouvernement du terme "d'Ange Gardien", au lieu de parler de brigades et de flicage sanitaire. Et ne parlons pas des "distanciations sociales" pour se protéger du virus qui sont justement parfaitement asociales...

De même, les politiques ont souvent recours à des abréviations, des acronymes, comme le CETA, le TAFTA, les GOPE, qui jouent le rôle d'écran et ont tendance à masquer la réalité des concepts qu'ils recouvrent ainsi que leur bonne compréhension dans l'opinion publique. Dans le jargon politique, il y a aussi un recours fréquent à la forme passive du langage, par exemple "il a été décidé" plutôt que "on a décidé de", afin de dissoudre et de diluer les responsabilités, de masquer le sujet des décisions, de le rendre anonyme.

La Novlangue dans le jargon économique

Où, dans un monde de progrès infini, une crise devient "croissance négative", l’austérité devient "plan de relance", faire marcher la planche à billets, soit produire de la monnaie de singe devient une "Opération de quantitativ easing" ou "d'assouplissement monétaire".



La Novlangue dans l'informatique et les technologies


Où, on parle de "Réalité virtuelle", pour quelque chose qui n'a rien à voir avec le réel, de "Réalité Augmentée" pour une quelque chose qui n'a plus rien à voir avec le réel, et "d'Intelligence Artificielle" (là où on pourrait parler d'authentique bêtise... Puisque cette dernière est amenée à remplacer l'homme dans de plus en plus de domaines, à exclure de plus en plus de monde de cette course effrénée au progrès et au bonheur, ce qui revient à se tirer une balle dans le pied... Car, on ne peut que constater que cette intelligence n'est jamais utilisée dans le but de libérer l'homme, mais plutôt dans celui de le soumettre et de l'asservir.



La Novlangue dans les médias


Où, l'on a recours à d’innombrables termes de novlangue répulsifs et sidérants, qui servent comme autant de repoussoirs et de termes diabolisant, tels que le très en vogue "Complotiste". Pourtant, jusqu'à preuve du contraire, le dit complotiste ne cherche pas à fomenter des complots, mais plutôt à en débusquer d'éventuels, à tort ou à raison d'ailleurs... Le Complotiste paraît dès lors bien moins dangereux que le comploteur et on pourrait tout aussi bien parler dans de nombreux cas, de lanceur d'alerte… Ceux qui sont critiques vis-à-vis de tout ce que peut recouvrir le vocable de "Progrès", sont taxés de "radicaux", de "fondamentalistes", de "conservateurs" et de "réactionnaires", de "gardiens de l'ordre moral" voir carrément, de "fascistes", "d’extrémistes". Les termes de "démagogues" et celui de "populiste" sont aussi particulièrement usités par les médias, un terme d'ailleurs absolument paradoxal en démocratie, où c'est censément le pouvoir et l'intérêt du peuple qui devrait prévaloir. Les opposants au système politique, sont désignés sous les termes de "séditieux", de "factieux", de "Gaulois réfractaires", de "casseurs", etc.. Ces termes infamants, permettent d'exercer une véritable censure médiatique, au nom de la préservation de la liberté qui serait attaquée, menacée et en grand péril, au nom de la défense des sacro-saintes "valeurs" de la République. Sans cette vigilance de tous les instants, on serait irrémédiablement et automatiquement condamnés à revivre directement les heures les plus sombres de notre histoire et la réouverture instantanée des camps de concentration Nazis… 

Ce panel de mots infamants et d'éléments de langage, véritable prêt-à-penser tourne en boucle dans les médias pour s'ancrer profondément dans la psyché et dans l'inconscient des auditeurs. Ces mots agissent ainsi comme une véritable programmation mentale, qui donne lieu à de purs réflexes mentaux de rejets pavloviens de toute forme de pensée alternative. Ils sont utilisés comme autant de tasers idéologiques, censés discréditer et tuer dans l’œuf, le développement de tout discours conscient, authentiquement critique, vraiment subversif et réellement menaçant pour l’ordre établi des choses. Ainsi par de bien curieux amalgames et "réductions Ad Hitlerum", ceux qui militent pour l'instauration d'un RIC ou Référendum d'Initiative Citoyenne en toute matière, qui aspirent à plus de démocratie, ou plutôt une authentique démocratie, à participer plus activement à la vie politique, aux processus de décision, à la vie de la cité, comme le recherche le mouvement des gilets jaunes, sont traités et considérés par la caste médiatique comme des populistes ou de dangereux crypto fascistes… 

Ce fut le cas du professeur d'économie Étienne Chouard, traîné sans ménagement dans la boue, calomnié par les médias et les chiens de garde du système oligarchique, l'accusant d'être une passerelle pour l'extrême-droite, de faire preuve de "confusionisme" alors que son discours à toujours été d'une clarté et d'une précision exemplaire. Aucun droit de réponse accordé à l'intéressé par voie médiatique... Un comble. Ce sont toujours les mêmes procédés avec ces médias, ils diffament allègrement des opposants, mais ne leurs laissent même pas l'opportunité de répondre. Pourtant, pour tout honnête homme, Étienne Chouard est un individu doux comme un agneau, des plus modéré, doté d'une remarquable ouverture d'esprit et toujours avec l'intérêt du bien commun chevillé au corps. Son inlassable travail de recherche depuis tant d'années, consiste à trouver des moyens pour le corps social de se protéger des abus de pouvoir, en écrivant lui-même les règles et les gardes fous pour le contraindre, en toute indépendance et sans conflits d'intérêts... Pour cela, cet infatigable intellectuel, d'une très belle humilité et d'une formidable générosité, s'attelle à organiser avec pédagogie de nombreux ateliers constituant d'éducation populaires, afin de faire réfléchir ses concitoyens, et non plus les simples électeurs, à la réécriture de ce texte fondamental de la constitution. Une démarche donc à l'exact opposé de toute forme de fascisme et des incessants procès d'intention qu'on lui impute...

Autre parfait terme de Novlangue dans les divertissements de masse, on parle aussi de "TV Réalité", alors que cette dernière n'est que pure fabrication et manipulation et que rien ne saurait être plus éloigné de la vérité et de la réalité… En effet, tout y est purement artificiel, monté et falsifié, jusque dans les échanges et relations humaines entre les candidats, ainsi que la mise en scène de leurs conflits et la mise en avant de clashs incessants... Les participants de ces émissions détestables, profondément malsaines, sont considérés comme de véritables petits rats de laboratoire, sur lesquels on peut déclencher différents stimuli pour obtenir telle ou telle réaction et jouer avec les faiblesses de la nature humaine.

La Novlangue dans le monde de l’entreprise

Où, l'on parle de "ressources humaines" (dans une vision purement comptable, aucune dimension humaine dans cette affaire-là, bien au contraire !), de "plan de sauvegarde des emplois" (licenciement collectif de grande ampleur en prévision), "d’accords salariaux" (baisse des salaires imposée unilatéralement), d’esprit de groupe, de "Team Building" (alors qu'en règle générale, il règne en permanence un féroce esprit de compétition, de méfiance, et même de délation entres employés et, que chacun est souvent prêt à enfoncer la tête de l’autre juste pour se faire bien voir par son chef et obtenir un peu d’avancement), on parle aussi de "plan de restructuration" ou de "plan social", voir même de "Plan de sauvegarde de l'emploi", "d’allégement de la masse salariale" (donc de licenciements, soit toujours rien de social), une baisse de salaire devient elle, une "dévaluation compétitive", et les fermetures d’usines sont appelés sous le doux euphémisme de "délocalisations". On parle aussi de "collaborateur" pour désigner un simple subalterne, qui ne peut qu’exécuter bien servilement les ordres lancés par sa hiérarchie... Par un tour de passe-passe langagier, les exploités du capitalisme sauvage deviennent des défavorisés, soit des personnes qui n'ont pas eu de chance dans leur parcours professionnel.

Dans le milieu de l'entreprise, on a aussi recours à des méthodes de manipulation de l'esprit comme la PNL ou programmation neuro-linguistique, une méthodologie qui prétend « agir sur les comportements au moyen du langage ». Cette méthodologie cherche à maîtriser, contrôler et prendre le pouvoir sur l'individu passif ciblé. La PNL peut-être utilisée aussi bien à des fins thérapeutiques, mais aussi de manipulation. Il s'agit d'atténuer les défenses mentales et cognitives d'un sujet passif, afin d'installer à son insu une forme de conditionnement, une programmation neurolinguistique, pour qu'il accomplisse des actions non désirées. 

On notera aussi l'hypocrisie totale de cet univers rempli de faux-semblants, qui impose une image de bonheur forcé voir obligatoire, de pensé positive, purement artificielle et illusoire à ses salariés. Dans ce monde merveilleux de la "Win Attitude" et de la "Start-up" heureuse, les DRH se transforment en véritables chefs d'orchestre du bonheur au travail. Dans ce nouvel état d'esprit, on peut relever la dernière tendance dans l'air du temps qui consiste, pour beaucoup d'entreprises, à faire réaliser par leurs employés un clip vidéo collectif reprenant le fameux tube planétaire de William Pharrell "Happy"... Les employés sont alors invités à reprendre en cœur l'esprit et la chorégraphie du clip musical, pour réaliser une sorte de vitrine à la gloire de l'entreprise, où l'on célèbre le privilège et le bonheur ineffable d'y collaborer au quotidien, comme si l'on faisait partie intégrante d'une bande de vieux potes participant à une comédie musicale, alors que de toute évidence, il s'agirait plutôt d'une vaste comédie humaine… Dans les nouvelles techniques de management, on parle même maintenant "d'happiness managers" faisant peser sur le salarié une véritable injonction au bonheur ! Le temps d'une hiérarchie verticale rigide et très marquée est révolu, du moins en apparence… 

Tout le monde est amené à communier, de préférence dans la joie et la bonne humeur, à donner de toute sa personne dans cette quête effrénée à un hypothétique bonheur collectif. Il est de bon ton d'afficher une grande proximité et intimité de façade, pour insuffler un sentiment collectif d'appartenance et renforcer une cohésion de groupe tout à fait factice. On est encouragé à s'impliquer de plus en plus émotionnellement dans le groupe. C'est la perpétuelle confusion des genres, ce qui relève de l'ordre des sphères privées et du professionnelles, de l'amitié et du rapport professionnel sont de plus en plus entremêlés. Ce qui peut s'avérer extrêmement délicat et malsain sur le long terme. Toute la vie de l'employé finit par graviter autour de l'entreprise, ce qui devient bien vite épuisant tant psychologiquement que physiquement… Tout le monde est en permanence invité à donner son avis à n'importe quel sujet, pour qu'il se sente considéré et impliqué dans le processus de décision même si, en réalité, au bout du compte, on en tient au grand jamais compte ! On organise des week-ends cohésion de groupe, des activités annexes, des sorties, des soirées pour renforcer la complicité entre les équipes. Si en apparence, on pourrait être séduit par une telle approche à la "cool" et louable, elle est en réalité des plus sournoises et on peut très vite se retrouver pris en otage émotionnellement parlant, pris au piège par une forme subtile et insidieuse de manipulation. Toute critique éventuelle peut alors être prise beaucoup plus à cœur que, comme l'expression d'un jugement de la personne dans son ensemble, bien au-delà de sa valeur strictement professionnelle, ce qui peut s'avérer purement dévastateur humainement parlant ! D'ailleurs, force est de constater que, malgré ces nouvelles approches qui se farde d'humanisme et d'une proximité de tous les instants avec les employés, les Burn-outs, les dépressions et les suicides liés au travail n'ont jamais étés aussi nombreux ! 

Les entreprises sont même évaluées en fonction du degré de bonheur qu'elles arrivent à insuffler dans le cœur de leurs employés, avec la mise en place de classements internationaux, tels que "Great Place to Work". Dans le cas où il travaillerait au sein d'une entreprise bien classée, cela sous-entend t'il pour l'employé qu'il est de mauvais ton de ne pas s'y épanouir pleinement, puisque de l'avis général, cette merveilleuse entreprise a tout de même obtenue haut la main "le label qualité du bonheur suprême". Il faut alors se rendre à l'évidence : le problème de fond ne peut alors venir que de ce dernier, s'il n'y trouve pas son compte, c'est qu'il est probablement un gros nul...


Les effets de la Novlangue

Comme l'explique le philosophe Bertrand Méheust, dans son livre "La politique de l'oxymore", à force de se retrouver avec autant de mots vidés de leurs sens, de fusionner artificiellement des concepts et des réalités contradictoires, d'user de paradoxes et d'oxymores, l'esprit est désorienté et se perd, il n'arrive plus à raisonner correctement avec des concepts clairs, des catégories intelligibles… Il manque alors de sombrer dans la folie. Nous entrons dès lors dans un monde nébuleux où plus rien n'a de consistance tangible et où les mots ne sont plus que purs instruments de manipulation des esprits. Toute forme d'opposition et de pensée critique construite est alors tuée dans l'œuf, neutralisée par avance. Les totalitarismes ont toujours joué sur le sens des mots, en les vidant de leur substance pour renommer et refaçonner la réalité afin de manipuler et d'influencer les pensées des masses. Un totalitarisme avance toujours masqué, il ne se présente jamais pour ce qu'il est, mais s'affiche sous de beaux idéaux de liberté, d'égalité, de progrès, de démocratie, etc…

Victor Kemplerer, écrivain et philologue allemand témoin du nazisme, étudia à la question du langage dans les totalitarismes, il déclarait à ce sujet : « Le nazisme s’insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s’imposaient à des millions d'exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente. (...) La langue ne se contente pas de poétiser et de penser à ma place, elle dirige aussi mes sentiments, elle régit tout mon être moral d'autant plus naturellement que je m’en remets inconsciemment à elle. Et qu’arrive-t-il, si cette langue cultivée est constituée d’éléments toxiques ou si l’on en a fait le vecteur de substances toxiques ? Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu'après quelque temps l’effet toxique se fait sentir. »

L'appauvrissement du langage

Parallèlement à cette omniprésence de la Novlangue qui a pénétré toutes les dimensions de la société, on assiste à un appauvrissement et une uniformisation générale de la langue, qui va de paire avec la mondialisation et l'invasion dans l'espace public de mots d'anglais à la mode, qui tendent à s'imposer partout, comme un nouveau "Globish". C'est une version de l'anglais simplifié et appauvrie, efficace pour la communication, mais pas du tout pour les subtilités de langage ou de l'esprit… Il est particulièrement présent dans le monde de l'informatique, dans le marketing, dans le monde des affaires, de la communication où encore l'univers de l'entreprise... Au final, nous nous retrouvons avec plus de mots anglais que l'on pouvait trouver de mots allemands sous l'occupation de la Seconde Guerre mondiale, sans que personne ne s'en offusque, l'Académie française en premier ! Suivant la même dynamique, au cinéma, on ne prend souvent même plus la peine de traduire certains titres de films américains importés. De même, des publicités comprennent de nombreux mots anglais, tandis que sur les ondes FM, on est littéralement envahi par toute une musique rock et pop presque exclusivement anglaise. Notre langue est attaquée de toute part, il y a un projet, une volonté inavouée de la faire disparaître.

La tendance à une langue unique renforce la pensée unique, puisque la langue est intimement liée avec la faculté de penser et de concevoir le monde.

Toujours dans ce phénomène de l'appauvrissement général du langage, on a le développement d'un style d'écriture SMS, avec les échanges rapides et réduits à leur plus simple expression. Les jeunes ont de plus en plus tendance à écrire comme ils parlent…

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